L'intégrité du signal (IS) d'un système est une mesure du degré d'altération d'un signal électrique entre l'entrée et la sortie d'un circuit. En électronique numérique, ce signal est un courant électrique dans lequel la tension varie entre une valeur haute et une valeur basse au cours du temps.
L'intégrité du signal est cruciale au bon fonctionnement de tout système électronique moderne. Dans l'industrie, on utilise le terme « intégrité » au sens de conformité à un code, d'absence de dégradation, et d'entièreté et de non-division. Si des phénomènes tels que la diaphonie, la discordance d'impédance ou les pertes altèrent considérablement la forme d'onde du signal d'origine, le récepteur sera dans l'incapacité de lire le signal reçu, ce qui constitue un problème d'intégrité du signal. En analysant et en rectifiant les problèmes d'intégrité du signal rencontrés, l'ingénierie de l'intégrité du signal représente donc une part importante de la conception des circuits intégrés (CI), des boîtiers de CI, et des circuits imprimés (PCB).
L'augmentation de la vitesse des signaux et la diminution de la taille des PCB et des boîtiers rendent la gestion des problèmes d'intégrité du signal encore plus complexe. La transmission des signaux numériques à grande vitesse et l'espace réduit ont pour effet d'accentuer le bruit du signal et la distorsion. Parallèlement à l'apparition de tels défis, l'industrie a néanmoins accru ses connaissances sur la manière d'y remédier, et des outils performants ont été développés afin de permettre aux ingénieurs de définir, simuler et adapter leurs systèmes électroniques.
La distorsion de la forme d'onde, le bruit, le décalage dans le temps et les atténuations d'amplitude se produisent lorsque des électrons circulent du driver au récepteur en raison de la résistance rencontrée dans le matériau, du champ électromagnétique créé par les électrons en mouvement, du courant induit par d'autres champs électromagnétiques et de la capacité électrique du circuit. Dans les matériaux constituant les PCB, ces effets peuvent provenir de la forme des traces du circuit, du positionnement, de l'épaisseur des différentes couches, ou de la manière dont le courant est transmis entre ces couches.
Il est également important de mentionner d'autres problèmes similaires concernant l'intégrité de puissance. Alors que l'intégrité du signal porte sur la fidélité du signal dans un PCB, l'intégrité de puissance porte sur la qualité de la puissance fournie aux composants qui enverront et recevront ces signaux. Les mêmes problèmes d'impédance, d'inductance et d'atténuation qui affectent l'intégrité du signal peuvent avoir une incidence sur l'intégrité de puissance. De plus, les modifications apportées à l'une pouvant avoir des conséquences néfastes sur l'autre, les ingénieurs ont besoin de simuler et mesurer ces deux phénomènes lors de l'amélioration d'une conception.
Si l'intégrité du signal n'est pas prise en compte, les appareils numériques peuvent rencontrer de sérieux problèmes. Le problème majeur apparaît lorsque la distorsion d'un signal est telle que le 0 ou 1 transmis à travers un circuit n'est pas reçu correctement et que la valeur binaire est erronée. Un niveau de bruit ou un décalage trop importants peuvent également entraîner une défaillance de l'appareil. De nos jours, dans les PCB très complexes comprenant des centaines de traces, il suffit qu'un seul chemin de signal présente des problèmes d'intégrité du signal pour rendre inutilisable le circuit tout entier.
Les réalités de la physique rendent impossible la transmission d'un signal à travers un circuit sans qu'aucune altération ne soit constatée à sa réception. Grâce à une bonne connaissance des bases de l'analyse de l'intégrité du signal, une compréhension de ses effets sur la conception des circuits modernes, ainsi que des méthodes permettant d'identifier et de traiter les problèmes qui en résultent, les équipes de conception sont capables d'optimiser l'intégrité des signaux au sein de leurs appareils et de tendre sans cesse vers des facteurs de forme plus petits et des fréquences plus élevées.
Les lois physiques régissant le déplacement des électrons à travers les matériaux vont à l'encontre de l'intégrité d'un signal. Les équations de Maxwell permettent de décrire la relation entre la charge et le courant, la manière dont le courant crée des champs électromagnétiques, ainsi que la manière dont les champs influent sur le courant.
En résumé, les interconnexions dans un PCB, connues sous le nom de lignes de transmission pour signaux numériques, agissent comme des antennes, des résistances et des condensateurs. L'ampleur et les effets des lois physiques décrits par les équations de Maxwell sont déterminés par les caractéristiques du signal, les propriétés des matériaux conducteurs et diélectriques, la géométrie, ou encore la position relative des circuits et des couches dans le PCB.
Les lois physiques fondamentales mentionnées ci-dessus peuvent entraîner divers problèmes d'intégrité du signal appartenant à l'une des quatre catégories suivantes :
Dans tout circuit haute fréquence, une combinaison particulière de géométrie et de fréquence peut transformer une trace ou un via en une antenne émettant un signal qui peut se coupler avec d'autres circuits présents dans le PCB, les connecteurs ou les câbles de l'appareil, ou encore dans ceux des appareils situés à proximité. Lorsqu'un autre circuit reçoit ce type d'interférences, il est possible que l'énergie contenue dans le champ électromagnétique induise un courant et vienne perturber le signal en créant du bruit. L'émission d'ondes électromagnétiques réduit également la tension du signal car la création du champ consomme de l'énergie. Les concepteurs doivent minimiser les interférences (EMI) et également s'assurer que l'appareil qu'ils développent est compatible avec l'environnement électromagnétique (EMC) dans lequel il fonctionne.
La diaphonie est une autre forme d'interaction électromagnétique. Elle se produit lorsque les champs électriques et magnétiques générés par les signaux de deux traces haute fréquence situées côte à côte se couplent l'un à l'autre. Le signal indésirable, provenant d'une trace appelée « trace de l'agresseur », se couple au signal d'une ligne de transmission voisine, appelée « trace de la victime ». On distingue les couplages suivants :
Le rebond de masse se produit lorsque la masse du signal d'un PCB n'est pas la même en tout point. Ce problème d'intégrité du signal se produit lorsque les tensions de différents circuits passent simultanément à leur valeur haute ou basse, ce qui induit une augmentation de tension dans le plan de masse. Par conséquent, le niveau de tension basse, qui correspondant au 0 d'un signal binaire, est plus élevé que prévu. Le rebond peut parfois être assez important pour provoquer une mesure erronée de tension haute.
Les concepteurs doivent tenir compte de l'impédance d'un circuit à courant alternatif (CA). L'impédance représente la résistance qui s'oppose au flux et aux variations de courant causés par l'inductance et la capacité. Une discordance d'impédance se produit lorsque l'impédance est modifiée à un endroit du circuit. La discordance entraîne la réflexion d'une partie du signal qui se propage alors de part et d'autre du circuit jusqu'à son atténuation. Outre le bruit ajouté au signal, la discordance d'impédance peut également entraîner des perturbations temporelles lors de la transmission des signaux. Ce phénomène est connu sous le nom de gigue. Le réflectomètre temporel (TDR) est un outil standard permettant d'évaluer la discordance d'impédance. Le TDR mesure la réflexion des signaux dans une ligne de transmission.
L'analyse du diagramme de l'œil est l'un des outils les plus couramment utilisés pour examiner l'intégrité du signal. Également appelé motif de l'œil, un diagramme de l'œil permet de visualiser la réponse d'un circuit numérique au cours du temps. L'analyse consiste à introduire un signal périodique dans le circuit et à mesurer le signal de sortie au cours du temps. Les bits de données sont rassemblés les uns à la suite des autres, l'axe X représente le temps et l'axe Y représente l'amplitude. Le signal d'entrée étant une onde carrée, un circuit parfait devrait générer une image représentant deux lignes horizontales en haut et en bas, correspondant aux niveaux de tension haute et basse du signal, et deux lignes verticales au milieu, séparées horizontalement par la longueur d'un bit de données et verticalement par la différence de tension dans le signal.
Mais le circuit parfait n'est que théorique. En pratique, l'onde carrée se déforme et s'apparente plutôt à un œil. Les problèmes d'intégrité du signal évoqués ci-dessus se manifestent par une distorsion des lignes droites. La figure ci-dessous représente les valeurs caractéristiques qui révèlent des problèmes dans un circuit. Des valeurs comme le temps de montée, le temps de descente, la gigue et le pourcentage de croisement de l'œil révèlent les distorsions subies par le signal et la manière dont il est affecté par le bruit entrant dans le système.
En comparant des diagrammes de l'œil réalisés avant et après une modification du routage, de la géométrie ou du matériau, les concepteurs peuvent constater comment ces modifications améliorent l'intégrité du signal d'un circuit.
Initialement, cette approche analytique a été développée afin de visualiser rapidement l'intégrité du signal d'un circuit avec un oscilloscope. Aujourd'hui, les ingénieurs utilisent les diagrammes de l'œil comme une simulation prévisionnelle afin d'analyser la performance des circuits. Cela permet aux concepteurs d'étudier rapidement les modifications et d'en connaître les effets bien avant le prototypage d'un PCB.
Cet article traite de l'intégrité du signal dans les PCB, mais l'intégrité du signal dans les puces de CI est également essentielle. Du fait de la taille réduite des composants et des débits de données encore plus élevés, l'intégrité du signal est un facteur de première importance lors de l'agencement des circuits intégrés et de la définition des interconnexions. Les effets de couplage provenant de la commutation de signaux divers représentent la source principale de problèmes d'intégrité du signal dans les puces. De plus, les câbles situés juste à l'extérieur de la puce servant d'interconnexions au boîtier sont suffisamment proches pour souffrir d'une diaphonie considérable.
Le prototypage d'une puce de CI est très complexe, c'est pourquoi l'intégrité du signal et l'intégrité de puissance sont modélisées grâce à la simulation dès que possible dans le processus de conception afin d'identifier et de corriger les problèmes potentiels. Grâce à ces outils, les puces sont vérifiées afin de garantir qu'elles fonctionneront comme prévu avant même de lancer le processus de fabrication.
Pour les ingénieurs, il est primordial de respecter les règles de conception industrielle établies pour la conception de PCB afin d'éviter les problèmes d'intégrité du signal dans les conceptions numériques à haute fréquence. Ces règles caractéristiques portent notamment sur les aspects suivants :
Même en suivant toutes les règles de conception pour le layout de leurs PCB, les concepteurs peuvent tout de même être confrontés à des problèmes. De défis apparaissent également si un compromis entre plusieurs règles est nécessaire, ou avec l'apparition de contraintes de fabrication, de limitations de taille, ou encore de coûts excessifs. Les concepteurs ont généralement recours à la simulation pour identifier ces problèmes et proposer des améliorations.
Grâce à une bonne conception paramétrique et à un ensemble solide d'outils de simulation tels que le logiciel de simulation électromagnétique de PCB et de boîtier Ansys SIwave™ et le logiciel de simulation haute fréquence 3D Ansys HFSS™, les ingénieurs peuvent rapidement mener des études de compromis pour explorer diverses solutions.
Nos sens ne nous permettent pas de percevoir un champ électromagnétique ou un courant dans une trace, c'est pourquoi les ingénieurs ont recours à la simulation pour visualiser les champs et les flux qui se produisent. Cela permet aux ingénieurs de visualiser la propagation des champs électromagnétiques, de voir le chemin de retour du signal, de détecter une surchauffe dans le PCB et sous les composants, et d'observer la diaphonie entre les paires de traces.
À l'avenir, les tendances concernant l'intégrité du signal seront sensiblement les mêmes qu'aujourd'hui, à savoir : augmentation des débits de données, augmentation des vitesses d'horloges et besoins croissants en bande passante. De plus, les demandes en matière de packaging poussent les systèmes à utiliser des PCB de taille plus réduite et à contenir plus de composants, ainsi qu'à les plier en des formes complexes grâce aux PCB flexibles. Pour répondre aux demandes de l'industrie et accroître leur part de marché, les entreprises introduiront de nouveaux procédés de fabrication et expérimenteront différents matériaux. Tout cela aura un impact sur l'intégrité du signal.
À court terme, le développement d'une autre tendance va également s'accélérer : l'intégration plus étroite entre le layout et la simulation permettant de mieux prendre en compte les lois physiques dans le processus de conception. Tout au long du processus de création du PCB, les ingénieurs auront la possibilité d'examiner les champs électromagnétiques, l'intégrité de puissance, les caractéristiques thermiques et la solidité mécanique de leurs conceptions.
Sans oublier l'intelligence artificielle (IA) qui aura son rôle à jouer dans la minimisation des problèmes d'intégrité du signal. De nombreux outils de layout ont déjà recours à des formes d'IA plus anciennes pour la prise en compte des règles de conception du routage des traces lors de la conversion de schémas en layouts de PCB. La nouvelle génération d'outils d'IA générative permettra d'améliorer considérablement les capacités des outils de conception et de simulation.